FORRO de la vida viranta
Elle a collé son ventre contre le sien. La tête dans le creux de son cou, elle ferme les yeux et respire l'odeur familière et rassurante de sa transpiration. Elle se laisse guider par ses mouvements sûrs et souples, accrochée à ce corps fluide qui l’accompagne tout en douceur. Elle sent leurs respirations à l'unisson.
De la zabumba, du triangle et du pandeiro, elle n'entend que des sons lointains. Elle est dans une bulle ouatée, une torpeur où la musique se confond avec le ressac de la mer, où les cris des oiseaux de nuit se mêlent aux discussions bruyantes des pêcheurs attablés autour de grands verres de cachaça.
L’accordéoniste lance un air qu’elle connait par cœur. C’est une chanson de son enfance qui la plonge ...
...immédiatement dans les ruelles animées de Salvador de Baia. Un instant, elle se revoit petite fille avec ces longues nattes emmêlées, ses tongs usées, son large sourire toujours accroché à son visage cuivré et ses poches remplies des pao de queijo encore tièdes de sa grand-mère.
Les yeux toujours clos, elle lâche prise. Et pourtant, ses pieds nus enfoncés dans le sable suivent instinctivement les mouvements légers et précis de son homme. Elle sent l’énergie de la danse parcourir son corps, elle a l’impression d’être portée par une force qui la dépasse.
Elle voudrait que cet instant dure toute la vie.
Judith Chomel / carnet de voyage imaginaire avril 2021
Où il est question de transmission,
d'André Minvielle et de mon pépé
Pierre-Alexis :
Ce forrò, c'est Judith qui l'a déniché et nous l'a présenté (voir son témoignage en dessous). C'est une mélodie traditionnelle dont on ne connait malheureusement pas la source sur laquelle nous avons ajouté une mélodie chanté et des paroles en occitan. Je vais surtout vous parler de la langue de cette chanson, pourquoi ce choix ? La connexion c'est faite grâce à André Minvielle dont je suis un grand admirateur et qui est lui même un grand admirateur de rythmes brésiliens et de langues vernaculaires, cela fait longtemps que j'avais envie d'essayer un chant en occitan. Cette langue je ne la connais pas vraiment, mon pépé cantalou qui, quand j'avais 8 ou 9 ans m'a appris à cueillir les haricots et à rouler les clopes, jurait parfois en patois. Il ne parlait pas d'occitan. On leur avait appris à dénigrer cet idiome, c'est idiot ! Je crois que je garde en moi le souvenir d'un son, d'un accent, d'intonation et aussi le goût des brins de tabac sur la langue...Pour travailler le texte, Corentin (l'auteur) nous a enregistré une version parlée que nous écoutions en boucle avec Judith pour nous familiariser avec la prononciation. Quand nous lui avons envoyé les premières versions enregistrées, Corentin a remarqué quelques points à améliorer et il a été étonné parce que que je prononçais le texte comme un ancien. Bin voilà, il serait peut être content pépé, surement un peu étonné, il a réussi à me léguer un peu de son son, à défaut de me donner envie de fumer...
les sources
JUDITH :
C'est un fait, le forró me fait vibrer et m’émeut profondément. C’est à la fois à joyeux et nostalgique, doux et terriblement énergique. Je pourrais écouter des heures durant Numa sala de Reboco par Luiz Gonzaga, O cajuina par Gaetano Veloso, le Chero da Carolina par Nazaré Pereira et tous les disques d’O Karaiva.
En 2016, quand nous avons eu l’occasion de partager le plateau d’un festival avec Côco Soufflette, groupe montpelliérain de Forró, j’ai été très touchée par leur répertoire, leur belle énergie scénique, et de surcroit leur humour. Bien plus tard, j’ai retrouvé par hasard un de leur morceau live sur internet qui m’a encore une fois touché droit au cœur. Je me rappelle l’avoir écouté des dizaines de fois en boucle en roulant voiture dans les montagnes transalpines. J’ai eu envie de le garder dans un coin de ma tête car il résonnait fort !
De fil en aiguille nous avons construit un récit autour de ce forró. Mon ami de longue date Corentin Dufour a accepté de nous écrire un texte had hoc en occitan. Ce texte est, comme ce forró, résolument frais et léger, c’est une invitation à la danse et une ode à la joie.
Je souhaiterai remercier ici chaleureusement les musiciens de Côco Soufflette et Corentin, qui nous ont d’une manière ou d’une autre inspiré, transporté, aiguillé et permit d’ouvrir de nouvelles portes, (jusque-là inexplorées) de langue occitane et de la musique nordestine.
Infos pointues...
...et néanmoins indispensables
Judith Chomel / chant, accordéon
P-A Lavergne / chant, claviers, basse, percussions,
Pauline Rivière / mélodica
Baptiste Sarat / trompette
invité : Adrien Amey / saxophones alto
La première mélodie instrumentale est un forró traditionnel dont on ne connait pas la source....(si vous avez l'info nous sommes preneurs) les mélodies chantées ainsi que les mélodies instrumentales de la deuxième partie sont de Pierre-Alexis Lavergne.
Paroles
( de Corentin Dufour)
TRADUCTION
Assise sur un coin de bonheur
Je me marre
Car mes pieds ne bougent que pour le plaisir
De faire battre mon coeur
Roule sur le côte, dessus, dessous
Je ne sais pas d’où vient le vent
Car tout virevolte Quand je prends conscience de la vie
Ne danse pas pour être regardée
La plus grande partie de nos vie se déroulera sur les deux pieds
Mon amie viens, viens
Quand tu viens danser en face de moi Je sens ton feu
Qui me souffle, qui me pousse, me fait passer la fatigue
Tu es déjà pour moi une fontaine, un soleil
Il n’y a pas de nuage dans le rythme Et la pluie je ne connais pas
Assise sur un coin de chaise Je tombe de fatigue
Il n’y a plus que moi ici qui essaye de faire vivre
Ce qui ne reviendra pas avant le matin quand nous aurons dormi
La meilleure façon de faire le hérisson quand la vie me pique
EN VO
Assetaa sus un canton de bonaür
me boto a rire
Que mos pès bolegan mas per lo plasèr
de faire batre mon còr
Rotla pel costat dessús dejós
sabo pas d'onte ven lo vent
Que ‘quò vira e vòla quand m'aviso de la vida
Dança pas perque t'avisèsse
La matge part de nòstra vida se passarà sus los dos pès
Amiga veni veni
Quand venes dançar en facia de ièu sentisso ton fuòc
Que me bota, que me bofa me fai perdre lo lassitge
Ja que sias coma una font coma un solelh a mon costat
I a pas de nèulas dins lo ritme e la pluèia coneisso pas
Assetaa sus un canton de chadèira tombo de lassitge
I a pas mai que ièu aqui a ensajar de faire viure
Çò que tornarà pas avant lo matin quand aurem dermit
Lo melhor biais de faire l'eiriç quan la vida me pica