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SULLA
CARROzza

Sulla carrozza
Capsule sonore 5

Dans le salon de Rosa, tout est méticuleusement à sa place. Au mur, les portraits en noir et blanc de Roberto Modugno, de Fred Buscaglione et de la sublime Silvana Mangano (qui fixe les clients avec ses yeux incroyablement profonds) côtoient une niche dans laquelle la sainte-vierge croule sous les fleurs en plastique colorées. Au sol, quelques mèches de cheveux oubliés hachurent le carrelage en damier bleu et blanc. En cette matinée de juin, il fait déjà très chaud et les ventilateurs tournent à pleine vitesse. L’air qu’ils brassent agite la clochette d’entrée de la boutique et mélange des odeurs de laque, d’eau de Cologne et de savon bon marché.  
Trois femmes sont installées côte à côte, leurs regards fixés sur leurs reflets respectifs. Elles observent les stigmates des années sur leurs peaux, commentent chacune de leur ride et se lamentent de ce temps qui passe et qui ne leur fait aucun cadeau. Elles en estompent les traces comme elles peuvent, à coup de mise en plis, de permanente et...

...de coloration avec l’aide de la précieuse Rosa. Rosa dont le baume de soin capillaire fait office de baume au cœur. Rosa qui écoute patiemment, inlassablement, qui console, qui rassure, qui soigne et à qui on ne demande jamais comment elle va, elle.  

Ce matin, elle ne veut plus les entendre. Elle ne peut plus. Alors elle allume le transistor. Elle monte le volume : c’est une balade à la fois tendre et exotique. Elle ferme les yeux un instant et s’imagine à Hawai, à l’autre bout du monde. Elle n’y est jamais allée, elle n’ira sans doute jamais, mais elle est certaine que ce doit être comme cela, calme, ensoleillée et intensément doux. 

Judith Chomel / carnet de voyage imaginaire avril 2021

Où il est question
d'
alliage

 

Pierre-Alexis :

J'ai chahuté le rythme à trois temps de cette mélodie pour en faire une sorte de 6/8 chaloupé, doux et suave.

J'avais aussi envie d'essayer un alliage de timbre singulier pour pouvoir faire un contrechamps dans le registre grave. Aussi j'ai invité mon vieux camarade Quentin Duverger à la clarinette basse pour doubler une partie de basse électrique chantante.

Pour donner une dimension angélique aux choeurs et appuyer un peu la tonalité kitch de cet arrangement j'ai utilisé un mellotron. C'est un instrument polyphonique (à plusieurs sons) munit d'un clavier sur lequel chaque touche fait entendre une bande magnétique contenant un son. Ici j'ai utilisé un son de voix de femmes. C'était un instrument très utilisé dans les années 60 et 70.

la tambouille sonore

les sources

PAULINE :

 

Nous avons trouvé ce morceau dans le disque «Canti du Salento » coordonné par Dario Muci. Dario Muci est un musicien et chercheur contemporain, qui a réalisé un travail de collectage de chants traditionnels. C’est une pratique répandue parmi les chanteurs actuels de musique traditionnelle de chercher la source et d’aller au plus près des détenteurs de ces savoirs - des personnes souvent âgées – d’enregistrer et conserver les chants, les styles et les ornementations, marqueurs d’une société traditionnelle maintenant révolue.
Dario Muci a fait réinterpréter ce chant collecté par les Sœurs Gaballo, quatre femmes qui ont conservé le timbre et le savoir-chanter de l’époque.
L’univers déployé par la version originale n’est en rien comparable avec la version créole et chaloupée que nous avons arrangée. C’est un chant assez trainant, assez plaintif, presque funèbre. Une première chanteuse attaque le chant principal, rapidement rejoint par le reste du chœur, en basse ou à la tierce, avec force ornementations.
Le texte de la chanson est une fenêtre ouverte sur les valeurs et les règles de l’époque dans laquelle il s’inscrit. La chanson est écrite sous forme de dialogue entre une mère et son fils, où ce dernier réveiller sa mère pour lui annoncer que le fiacre (la carrozza) qui vient d’arriver au village lui apporte sa future belle-fille. Sa mère s’inquiète : cette jeune fille en est-elle encore une ? A travers cette petite chanson anodine, c’est toute la mentalité de l’époque qui se révèle : l’obsession de la virginité, la question de l’honneur et des devoirs familiaux, la réprobation du flirt pour lui-même et de l’expression du désir sexuel. Les amourettes adolescentes sont blâmées, et doivent se sceller au plus vite par un mariage chrétien en
bonne et due forme afin de rétablir l’ordre et l’honneur. Dans les sociétés traditionnelles, la chanson prend la fonction du conte : faire passer des messages, transmettre les règles de vie communes et les valeurs du groupe à travers des histoires toutes simples. C’est l’uniformité des comportements qui est exigé, dicté par la morale collective, avec une prégnance très forte du religieux. Pour pouvoir se perpétuer, la société doit être forte, unie, et ne peut se permettre d’être fragilisée par des comportements individuels non tournés vers le respect de la « règle ». La règle est l’ensemble de lois sociales, des coutumes, de règles de conduites adoptées par le collectif.
Elle offre ainsi protection aux ceux qui se conforment et peut être très excluante pour ceux qui se désolidarise, qui n’obéisse pas. En contrepartie, la société offre sa protection, sentiment d’appartenance et sécurité pour ceux respecte les lois sociales édictées par le
collectif.

les sources

Infos pointues...
...et néanmoins indispensables

Pauline Rivière / chant, maracas

Judith Chomel / chant

P-A Lavergne / chant, claviers, basse, percussions,

Baptiste Sarat / trompette

invité : Quentin Duverger / clarinette basse

La chanson de départ s'intitule la Carrozza. les mélodies instrumentales, quant à elle,

ont été ajoutées par P-Alexis Lavergne (pour l'intro) et improvisées  à la trompette par Baptiste Sarat.

Paroles
 

La carrozza è già rriata

Alla colonna s’è firmata

Azzate mamma azzate

Ca taggiu nduttu na figliola

 

Se figliola era stata

S’era stata a casa sua

S’era stata rigettata

Cu la vera mamma sua

 

E dimmelu Arturu dimmelu

Dimmelu se l’hai tuccata

Sulu na pizzicata

Su la chianta ti la manu

 

E so statu io lu puercu

E puru l’animale

Ca nu bacciù d’amore

Li l’era bbutu dare

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